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Avant le concert Oumou Kantome Diallo qui a assisté et participé à la conférence et aux Débats nous a offert de manière
spontanée un récital de son poème "Ô TIRAILLEUR !" pour lequel,
elle est Lauréate du Concours National de Poésie sur les Tirailleurs – Sénégal, Juillet 2008.

Décidément cette journée de commémoration du Massacre de Thiaroye a mobilisé son public.

 

 

 

Entretien avec Armelle Mabon

Maître de conférences
Université de Bretagne Sud

Sénégal-sur-Seine
Armelle Mabon bonjour, vous êtes Maitre de conférences à l’université de Bretagne sud et vos collègues vous qualifient de « spécialiste du massacre de Thiaroye ». Depuis 10 ans, vous menez une véritable enquête sur ce qui s’est réellement passé non loin de Dakar, au camp de Thiaroye le 1er décembre 1944. Pourriez-vous nous expliquer où, comment et pourquoi  vous est venue cette passion, cette obsession de quête de la vérité sur ce drame de notre histoire ?

A.M. : Par ma recherche sur les prisonniers de guerre "indigènes", j'ai pu voir leur quotidien, ressentir aussi leur colère quand certains d'entre eux ont vu les sentinelles allemandes se faire remplacer par des officiers des troupes coloniales, j'ai découvert des solidarités qui se sont mises en place, j'ai constaté qu'ils avaient travaillé durement. J'ai pu me rendre compte de ces contacts riches, ces partages de connaissance, ces histoires d'amour... Alors quand j'ai commencé à voir se dessiner comment la France libre a traité ces hommes à leur retour de captivité, quand j'ai commencé à comprendre qu'ils avaient été victimes d'un terrible déni de justice, j'ai traqué inlassablement toutes les informations permettant  de restituer la réalité des faits. Je ne dirais pas que c'est une passion mais une impérieuse nécessité de donner à voir, à comprendre, à agir pour que ces hommes soient réhabilités.

Sénégal-sur-Seine : Voilà maintenant soixante-dix ans que ce drame a eu lieu et presque quinze ans que vous menez vos recherches. Pourriez-vous nous dire en quoi le discours de François Hollande après son investiture  a changé les choses ? Qu’a-t-il promis ? En quoi cela a-t-il changé vos investigations ?

A.M. : Quand j'ai entendu le discours de François Hollande promettre la restitution des archives sur Thiaroye au Sénégal, j'écrivais un article sur les archives tronquées et expurgées. J'ai été tétanisée. Donc j'ai mis toute mon énergie dans  la consultation des cartons puis la confrontation des sources, retrouver les familles des officiers et des "mutins" pour pouvoir restituer l'histoire de Thiaroye. Il fallait donc déconstruire l'histoire officielle.

Sénégal-sur-Seine : Vous avez écrit à François Hollande en mai dernier (cliquer ici pour lire la lettre de Armelle Mabon au président de la République, Monsieur François Hollande ). Finalement, au-delà de la reconnaissance morale de la dette de la France envers les peuples de son empire colonial, et plus encore, envers les descendants des victimes et victimes qui étaient, rappelons-le, nos compatriotes et soldats frères d’armes,  qu’attendez-vous concrètement de l’état français aujourd’hui ?

A.M. : Les choses ont beaucoup évolué depuis cette lettre. Le ministère de la Défense reconnait qu'il ne s'agit pas d'une mutinerie mais bien d'un massacre, j'espère que le chiffre officiel du nombre de morts ne sera plus mentionné avec 35 mais un nombre impossible à déterminer. Après la découverte de ce fameux télégramme du 16 novembre 44 qui prouve la spoliation des soldes de captivité, comment l'Etat français lors des commémorations, pourrait présenter  Thiaroye sans mentionner cette spoliation qui explique le massacre; spoliation couverte par le ministère de la Guerre. Puisque l'Etat français reconnaît qu'il n'y a pas eu de mutinerie mais un mouvement de protestation légitime, il reconnait ipso facto qu'il n'y a pas eu de rébellion armée. Mais des hommes ont été condamnés pour ce crime qu'ils n'ont pas commis et pour désobéissance.

Les commémorations sont en préparation avec la remise officielle des archives et une exposition. L'Etat français qui sait désormais ce qui s'est passé à Thiaroye ne peut pas présenter autre chose que la réalité des faits mais il faut alors concomitamment afficher un geste politique fort avec la saisie de la commission de révision afin de réhabiliter les hommes de Thiaroye et panser définitivement cette plaie qui ne cicatrisait pas depuis 70 ans.

Sénégal-sur-Seine : Armelle Mabon, nous avons bien compris que ce sont les révélations des archives que vous avez passés au peigne fin qui vous poussent vers cet engagement jusqu’à réclamer que la justice soit faite pour les victimes de Thiaroye.
Que souhaitez-vous répondre à Julien Fargettas qui a récemment qualifié vos travaux de « partiaux », lui qui estime encore « le massacre de Thiaroye » comme un « sujet à polémiques et discussions » ?

A.M. : Je ne sais pas comment un historien qui ose écrire une lettre publique au Président de la République dénonçant mon travail, peut expliquer qu'il n'a jamais évoqué les soldes de captivité alors qu'il était en possession des documents d'archives; comment peut-il expliquer qu'il veut faire croire que des soldats noirs du service d'ordre avaient des armes approvisionnées ; comment peut-il expliquer qu'il s'est contenter de fouiller les seules archives du SHD. Il devrait avant tout interroger sa propre partialité. En ce qui me concerne, j'ai déposé plainte pour diffamation non pas pour inviter la justice dans un débat historique mais pour défendre mon honneur mais aussi le métier d'historien.

Sénégal-sur-Seine : Pour finir, nous aurons l’honneur de vous accueillir dans le cadre de la « journée de commémoration du massacre de Thiaroye 44 » que nous organisons le Samedi du 11 octobre 2014. Cette manifestation débutera par une conférence intitulée « Thiaroye, un massacre dissimulé » que vous donnerez. Aussi, l’association ACCA (agir contre le colonialisme aujourd’hui) coorganisateur de cet événement avec Sénégal-sur-Seine proposera un débat public sur le thème : « France-Sénégal, de la colonisation avec ses crimes aux rapports néocoloniaux d’aujourd’hui ». Ces échanges seront suivis d’un repas africain et d’un concert du collectif d’artistes Sénégal-Sur-Seine en hommage aux tirailleurs afin d’affirmer aussi la fraternité et la convivialité entre la France et le Sénégal.
Que diriez-vous au public afin de l’inciter à se joindre à nous ce jour là ?

A.M. : Thiaroye est un moment de notre histoire emblématique pour plusieurs raisons. Ces hommes s'étaient battus pour la France et on leur a fait comprendre que leur vie n'avait que peu d'importance alors qu'ils ne pouvaient plus se considérer comme simple sujets de l'Empire. Thiaroye aujourd'hui est encore signe de souffrance perceptible chez les familles des victimes et de ceux qui ont été condamnés, mais aussi je crois bien au-delà. C'est une blessure qu'il faut panser sinon il y aura ce sentiment d'impunité qui restera gravé et favorisera les ressentiments comme si l'empreinte tutélaire de la France ne parvient décidément pas à s'effacer.
Et en tant qu'historienne, j'ai été confrontée à une sorte d'affaire Dreyfus avec ses rapports mensongers, ses informations tronquées, son procès à charge. Donc Thiaroye, c'est un moment fort de notre histoire commune et heureusement que des initiatives comme celle-ci peuvent faire caisse de résonnance. Tout le monde peut ainsi contribuer à ce que l'histoire de Thiaroye (la vraie) soit connue et que justice passe.

Sénégal-sur-Seine : Armelle Mabon, nous vous remercions d’avoir bien voulu répondre à nos questions. Nous espérons que le public viendra nombreux écouter ce que vous avez à nous révéler des archives que vous avez fouillés sur « le massacre de Thiaroye »
Samedi 11 octobre 2014 à partir de 16h.30 à la salle des fêtes de Malakoff.
 13 Av. Jules Ferry 92240 Malakoff

(Entretien réalisé par Sénégal-Sur-Seine)
http://www.commemorationdumassacredethiaroye.com
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LE MASSACRE DE THIAROYE
Par Armelle Mabon
Maître de conférences
Université de Bretagne Sud

Une rébellion armée ?

Le 28 novembre 1944, le général Dagnan s’est déplacé à la caserne de Thiaroye accompagné du lieutenant-colonel Siméoni et du chef d’état-major Le Masle alors que les ex-prisonniers de guerre réclamaient le rappel de solde et que 500 d’entre eux refusaient de partir pour Bamako. Déterminé à faire valoir leurs droits, selon le rapport Dagnan, un groupe de rapatriés a bloqué sa voiture. Le général Dagnan indique qu’il leur a promis d’étudier la possibilité de leur donner satisfaction après consultation des chefs de service et des textes. Sur cette ultime promesse, les tirailleurs ont dégagé la route. Pour le général Dagnan, le détachement était en état de rébellion, le rétablissement de la discipline et l’obéissance ne pouvait s’effectuer par les discours et la persuasion [20] et a mis sur pied une démonstration de force pour impressionner les anciens prisonniers de guerre. Le général commandant supérieur de Boisboissel, revenu de tournée, a donné son accord pour une intervention le 1er décembre 1944 au matin à l’aide de trois compagnies indigènes, un char américain, deux half-tracks, trois automitrailleuses, deux bataillons d’infanterie, un peloton de sous-officiers et hommes de troupes français [21].

Le 1er décembre 1944 au matin, les rapatriés ont reçu pour ordre de se rassembler sur l’esplanade. Selon les officiers supérieurs chargés de rédiger la synthèse des faits [22], c’est à 9h30 que les salves meurtrières ont été tirées par le service d’ordre comme riposte aux tirs des mutins établis entre 8h45 et 8h55. C’est précisément la provenance de ces tirs qui a été modifiée puisque plusieurs rapports et procès verbaux d’information affirment qu’il s’agit d’une salve du service d’ordre et notamment de mousqueton tirée en l’air sur ordre du lieutenant-colonel Le Berre [23]. Alors que le chef de bataillon Le Treut a confirmé ce point dans son procès verbal (PV) d’information lors de l’instruction du procès, le colonel Carbillet dans son rapport daté du 4 décembre 1944, modifie l’information donnée par le chef de bataillon Le Treut dans une simple note de bas de page : « [ 9h20 ] et non 8h50 comme le dit le Cdt Le Treut ». Ce qui permet au colonel Carbillet d’inscrire formellement dans son rapport « 8h55 : coups de feu contre la troupe – tirailleur blessé ». Pour le procès, l’une des pièces à conviction est en effet une balle extraite de la main d’un tirailleur du service d’ordre. Mais dans son PV d’information, le tirailleur explique qu’il a été blessé alors qu’il était couché donc au moment de la riposte, les officiers ayant donné ordre aux tirailleurs de se coucher. De plus, un rapport d’expertise indique clairement que la balle ne pouvait provenir du mousqueton présenté comme l’arme des « mutins » [24].

Afin de renforcer le fait « rébellion armée », la même substitution s’est opérée pour les tirs entendus après la riposte. Une rafale de mitraillette des « mutins » provenant d’une baraque est citée à plusieurs reprises dans les rapports mais ce n’est jamais la même baraque qui est montrée par les officiers sur le plan de la caserne lors de l’instruction du procès. Par contre, deux officiers indiquent formellement qu’il y a eu des tirs du service d’ordre après la riposte, un les signale comme un accident [25], l’autre pour réduire les irréductibles [26].

Un néophyte en armes à feu pourrait considérer que les « mutins » étaient lourdement armés en découvrant la liste des armes retrouvées [27], au final ce n’est que « petite quincaillerie » qui ne présentait aucun danger d’autant qu’un rapport signale qu’ils étaient « porteurs d’armes (poignards en particulier) » [28]. Nous sommes très éloignés des tirs de pistolets-mitrailleurs évoqués pour justifier la riposte, lourde au vu des munitions utilisées par le service d’ordre. Le comptage des étuis issus des tirs des « mutins » aurait apporté la preuve irréfutable de la nécessité de la riposte alors que le général de Boisboissel fait état de nombreuses armes à feu « jetées par terre ou noyées dans le sable avant leur capture » [29].

L’argument « rébellion armée » ne résiste pas à la confrontation des différents documents pas plus que la nécessaire riposte armée.

Combien de morts ?

D’après le décompte des cartouches, il y a eu des tirs de fusils mais également des armes automatiques et notamment les automitrailleuses rattachées au 6ème Régiment d’artillerie coloniale (RAC) [30]. Les tirailleurs du service d’ordre au nombre de 1100 [31], sont arrivés à Thiaroye sans munition et il est mentionné une distribution de cartouches conservées dans des trousses par les chefs de section vers 9h20. Cinq à dix minutes pour une telle distribution semble impossible.

En 1973, le chef du Service historique de la Défense (SHAT) a exprimé sa surprise en constatant « des archives du 6ème RAC extrêmement sommaires qui ne contiennent rien sur leur participation pourtant indiscutable » [32]. L’exemple du rapport daté du 2 décembre 1944 du lieutenant de vaisseau Max Salmon commandant les automitrailleuses en est une parfaite illustration puisque son récit du 1er décembre 1944 s’arrête à 8h30 pour reprendre à 9h45 [33]. Ce trou dans la chronologie est d’autant plus surprenant qu’il a rencontré le lieutenant-colonel Le Berre, commandant le 6ème RAC, avec le capitaine Ollivier la veille au soir pour y recevoir un ordre oral [34]. Le lieutenant-colonel Le Berre justifie cette rencontre tardive après qu’il eut reçu à 20 h un renseignement comme quoi beaucoup de mutins sont armés de pistolets, revolvers et pistolets-mitrailleurs, et qu’ils veulent descendre le lieutenant-colonel Siméoni [35]. Le général Dagnan avait déjà donné toutes les instructions le matin du 30 novembre en présence notamment du colonel Carbillet et du lieutenant-colonel Le Berre avec la transmission de son ordre n°1 [36]. Deux autres ordres écrits sont mentionnés dans le rapport Carbillet mais restent introuvables dans les archives.
Témoin majeur de la répression armée, le commandant des automitrailleuses n’a pourtant n’a pas été entendu lors de l’instruction alors qu’il était encore présent à Dakar [37].

L’absence de procès-verbal d’information du lieutenant de vaisseau Salmon [38] , commandant les automitrailleuses qui avait reçu un ordre oral pour une mission bien précise, ajoutée à une chronologie des faits amputée du moment des tirs permet de supposer une possible préméditation. Lors d’une enquête de terrain au début des années 80 en vue de l’écriture du scénario d’un film qui n’a jamais été tourné, des habitants de Thiaroye ont certifié avoir vu des militaires creuser des fosses communes avant ce funeste 1er décembre 1944 [39]. Le lieutenant-colonel Le Berre est le seul officier supérieur à avoir été sanctionné. Compte-tenu de l’amnistie dont il a bénéficié en 1947, le motif et la sanction inscrits dans son dossier personnel ont été raturés de noir et rendus illisibles [40].

Le rapport du lieutenant-colonel Le Berre disponible au SHD [41] a été modifié afin d’insérer dans le corps du texte une étrange précision : « Je donne l’ordre aux armes automatiques de se préparer à tirer [sur] le toit des baraques » [42]. Dans son rapport, il indique qu’à la première salve, 3 mutins tombent devant la 2ème baraque. Nous pouvons donc comprendre que l’ordre était destiné aux armes automatiques, qu’il y a eu plusieurs salves comme le signale également le chef de bataillon Boudon [43] ; la « riposte » est du reste qualifiée de fusillade nourrie et un procès verbal (PV) d’information mentionne « les premières rafales ont éclaté de toutes parts » [44]. Nous pouvons aussi comprendre que les tirs n’ont pas visé seulement les toits. Il n’est pas plus certain que ce soit les baraques qui aient été les seules cibles quand bien même les tirs d’automitrailleuses peuvent transpercer des baraques en bois et atteindre ceux qui se trouvent à l’intérieur.

Nous avons été surprise par la lecture d’un PV d’information émanant d’un adjudant qui relate qu’il a compté 3 morts dans une baraque incidemment alors qu’il avait reçu l’ordre de ne pas quitter sa voiture [45]. Ne lui a- t-on pas demandé de dire qu’il a compté des morts dans une baraque oubliant que logiquement il ne pouvait pas faire ce constat ? Nous avons également repéré l’insistance avec laquelle l’officier de police judiciaire refusait les propos des inculpés lorsqu’ils prétendaient être au rassemblement et s’être protégés des tirs. Le lieutenant-colonel Siméoni, dans son rapport du 12 décembre 1944, mentionne qu’il a demandé aux rapatriés qu’il avait rassemblés sur l’esplanade de se coucher durant la riposte tout en leur ayant déclaré dans le même temps que les forces de l’ordre ne tireront pas sur les hommes rassemblés [46]. Ce sont pour le moins des propos contradictoires.

Selon les rapports, entre la moitié et les 2/3 du contingent présent à Thiaroye se sont retrouvés sur l’esplanade pratiquement en face des automitrailleuses [47]. Dans son rapport daté du 5 décembre 1944 [48], le général de Boisboissel écrit que ce sont les tirailleurs sénégalais du service d’ordre qui ont fait, au fusil, presque tous les morts et les blessés et il précise que les armes automatiques auraient fait une hécatombe. Cette affirmation est d’autant plus surprenante que le détail des cartouches utilisées par unité, établi antérieurement au 5 décembre, sert de démenti [49].

Nous avons la certitude que le chiffre officiel de 35 morts n’est pas exact car sur les 5 dossiers retrouvés des victimes, au moins un dossier concerne un mort à l’hôpital de Dakar des suites de ses blessures qui n’est pas recensé sur la liste des 11 décédés à l’hôpital [50]. Le général Dagnan a écrit 24 morts et 46 décédés suite à leurs blessures [51], ce qui fait 70 morts. Le nombre de morts reste une zone d’ombre qu’il faut relier au doute sur le nombre d’ex-prisonniers de guerre débarqués du Circassia le 21 novembre 1944. D’après les archives, 1200 [52] ou 1280 [53] ou 1300 [54] ex-prisonniers de guerre sont arrivés à Dakar. Alors qu’il existe un document officiel de la Marine en AOF avec ce chiffre de 1300, il est surprenant de constater que les plus hautes autorités civiles et militaires n’en tiennent pas compte comme si elles savaient par avance que ce chiffre ne correspondait pas à la réalité tout comme le nombre des membres d’équipage ramené à 280 alors qu’ils étaient 358 [55].

Le ministre des Colonies [56], le commandant du Circassia David Bone [57] ainsi que les renseignements généraux de Morlaix [58] donnent le chiffre de 2000 ex-prisonniers de guerre à embarquer. Si l’on tient compte des 300 restés à Morlaix [59] avant leur internement à Trévé dans les Côtes d’Armor, cela fait environ 1700 hommes qui quittent Morlaix. Un renseignement du 21 novembre 1944 venant de Dakar fait part de 400 tirailleurs qui auraient refusé de poursuivre le voyage et seraient restés à Casablanca [60] mais aucun officier présent sur le navire ne mentionne ce fait dans les rapports et PV d’information pas plus que le commandant du Circassia qui, dans le journal de bord en date du 15 novembre 1944 – jour du départ de Casablanca, confirme la présence de tous les passagers et membres d’équipage [61]. La fiche renseignement du 21 novembre indique 2400 tirailleurs à embarquer avec 600 restés à Morlaix et donc 400 à Casablanca. Par contre, le chef d’escadron Lemasson, commandant le détachement de tirailleurs rapatriés à bord du Circassia, fait état dans son rapport « tendant à traduire devant un tribunal militaire un groupe de tirailleurs et gradés coupables de rébellion » d’un effectif de 1600 tirailleurs à embarquer et non plus 2000 [62].

Nous assistons à un décompte quelque peu forcé pour parvenir au plus près du chiffre de 1300 rapatriés alors qu’il manque environ 400 hommes sur l’effectif initial de 2000 ex-prisonniers de guerre embarqués [63]. Ne serait-ce pas « l’hécatombe » évoquée par le général de Boisboissel ?

Armelle Mabon
Maître de conférences
Université de Bretagne Sud

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[20] ANOM, DAM, 74 et SHD/T 5H16, rapport du colonel Le Masle, chef d’état-major, Dakar, 5 décembre 1944.

[21] SHD/T 5H16, rapport du général Dagnan.

[22] Ibid, rapports du lieutenant-colonel Le Berre et du colonel Carbillet

[23] Ibid, rapports des chefs de bataillon Le Treut et Boudon.

[24] Archives justice militaire, rapport d’expertise d’une arme établi par le lieutenant Louis Saunier, 26 décembre 1944.

[25] Archives justice militaire, PV d’information du lieutenant Wasmes.

[26] SHD/T 5H16, rapport du chef de bataillon Boudon.

[27] Ibid, rapport du général Dagnan.

[28] Ibid, rapport du colonel Le Masle.

[29] ANOM, DAM3, rapport du général de Boisboissel, 5 décembre 1944.

[30] Il a été compté 150 cartouches provenant des automitrailleuses, rapport colonel Carbillet, op.cit.

[31] ANOM, DAM 3, rapport Mérat. Se rajoutent 120 européens + pelotons de gendarmerie et équipage engins motorisés.

[32] SHD, 21P150214.

[33] SHD/T, 5H16.

[34] Ibid, rapport Salmon.

[35] SHD/T, 5H16 et archives justice militaire. Aucun autre officier n’a évoqué ce projet d’assassinat, pas même l’intéressé.

[36] SHD/T, 5H16, rapport Dagnan.

[37] SHD, MV CC7 4e moderne 631/1, dossier individuel.

[38] Il existe un PV d’information du lieutenant Jules Salmon.

[39] « Thiaroye 44 », scénario de Ben Diogaye Beye et Boubacar Boris Diop, enquête et recherches de Mansour Kébé.

[40] SHD/T GR 140047, dossier individuel.

[41] SHD/T 5H16, rapport du 1er décembre 1944. Celui trouvé aux archives de la justice militaire mentionne le tir sur le toit des baraques avec un * en bas de page

[42] Voir différence avec rapport déposé aux archives justice militaire.

[43] SHD/T, 5H16, rapport du chef de bataillon Boudon, 1er décembre 1944.

[44] Archives justice militaire, PV d’information du capitaine Ollivier.

[45] Archives justice militaire, PV d’information adjudant Tinert.

[46] SHD/T 5H16

[47] Voir plan, ANOM, DAM 3, rapport Mérat.

[48] ANOM, DAM 3 ; 1 Aff. Pol. 3498.

[49] Voir notamment rapports du colonel Carbillet, du lieutenant-colonel Le Berre,...

[50] ANS 13G17(17).

[51] SHD/T, 5H16, l’exemplaire trouvé aux Archives nationales d’outre-mer est libellé différemment et fait état de 35 morts

[52] Chiffre donné par le gouverneur de l’AOF Cournarie (télégramme du 30/11/1944 CAOM 1 tel 862 alors qu’un autre télégramme émanant de l’AOF daté du même jour fait état de 1300 rapatriés SHD/T 5H16). Le chiffre de 1200 est également rapporté par le consul général anglais suite à un entretien avec le gouverneur général Cournarie, TNA F9 371/42150.

[53] Notamment dans le rapport Dagnan.

[54] SHD/DM,TTD 745, fiche de renseignement marine AOF, 20 novembre 1944.

[55] TNA, BT 381/3542.

[56] ANOM, I Aff.pol. 3498, 31 octobre 1944.

[57] The Naval Review, vol. XXXVIII, n°2, mai 1950 « Merchantman rearmed », p. 197 et message secret, TNA ADM237/392.

[58] AD Ille et Vilaine, 43W218, RG message du 11 novembre 1944 Morlaix.

[59] SHGN 10427, GRPT Finistère, rapport du chef d’escadron Duconge, 19 décembre 1944.

[60] Archives nationales du Sénégal (ANS) 21G153(108).

[61] TNA, BT 381/3542 (journal de bord du Circassia).

[62] Archives justice militaire, rapport du chef d’escadron Lemasson. 1er décembre 1944. Cet officier a été mis en congé de captivité peu de temps après Thiaroye avant d’être révoqué de l’Armée (SHD/T8Ye 107403, dossier individuel).

[63] Une autre fiche renseignement provenant des archives nationales du Sénégal mentionne 1800 rapatriés.

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Source : http://ldh-toulon.net/le-massacre-de-Thiaroye-une.html